Myrollerderby est parti à la rencontre d’une poignée de françaises issues d'horizons différents et réunies autour d'une même passion : l'arbitrage du roller derby. Tour à tour SO (Skating Official) et NSO (Non Skating Official), avec à leur actif entre 30 et 60 matchs arbitrés par saison, elles sillonnent le pays pour permettre aux joueurs et aux joueuses de jouer et à la discipline d'exister.
Derrière les coups de sifflets, les chronos et les stylos, sous les rayures et le célébre rose (redevenu noir) de leur maillots officiels, Stallone, Mogwai, Jenah la Guerrière et Cec Tape, parlent de leur parcours et de leurs expériences personnelles. Elles racontent leurs bonheurs, leurs accomplissements et aussi leurs échecs, leurs difficultés. Elles donnent la parole, à travers leurs témoignages, à l'indispensable et formidable CREW des arbitres du roller derby français.
Une matière à discussion et surtout une belle occasion, pour l'ensemble des acteurs et actrices de la communauté, d'approcher de plus près ces travailleur.ses de l'ombre. Cet article est aussi un.e éclaireur.se qui saura guider les personnes caressant l'idée séduisante de rejoindre la famille !
Bonne lecture.
STALLONE : En 2017, 5 mois après son arrivée au Roller Derby Caen et après plusieurs semaines le nez dans les pages des règles, Agathe, aka Stallone, se lance dans l’arbitrage. D’abord au sein de sa ligue ainsi que pour le Caen Mixed Roller Derby, puis sur l’ensemble du Grand Ouest, du Mans à Brest, de Caen à la Roche-sur-Yon. « Je consens à descendre jusqu’en Bretagne malgré le conflit historique ! ». Après deux ans passés aux différents postes NSO, dont une expérience en élite, elle est aujourd’hui SO et officie sur des plateaux du championnat N2. « Le côté plus familial des petits championnats ou des évènements locaux, est véritablement ce que je préfère ». Elle arbitre une cinquantaine de matchs par saison.
MOGWAI : A peine a-t-elle franchi les portes du Hangar des Nantes Derby Girls, qu’elle tombe amoureuse pour les règles du roller derby. C’est tout naturellement que Mogwai se tourne vers les rayures et le polo rose en 2014. Elle va s’investir alors corps et âme au sein de sa ligue en tant qu’arbitre et devient très vite aussi responsable et formatrice. Un trop plein qui déborde en 2018 et la pousse à tout arrêter. Une césure de 6 mois nécessaire pour relancer la machine et faire le choix d’un rythme moins effréné. Mogwai est aujourd’hui exclusivement NSO : « Je ne suis plus affiliée à une ligue, cela me permet de gérer beaucoup plus mon investissement et d’être beaucoup moins sous pression, et ça me convient vraiment bien, je suis heureuse de venir arbitrer ».
JENAH LA GUERIERRE : Une soirée trop arrosée et qui se termine sur un pari stupide avec une amie, c’est frappé par un de ces coups du sort que Jenah découvre le roller derby il y a un an et demi : « J’ai vu de la lumière, je suis rentrée ! A un moment de ma vie où j’avais besoin de quelque chose de plus ». Tour à tour NSO et SO, Jenah est aussi joueuse chez les Déferlantes et line-up des Bonhommes de Rennes.
CEC TAPE : Elle remercie infiniment cette amie qui un jour lui demande un petit service : « Ce jour-là, Les Passeuses Dâmes de la Roche-sur-Yon organisaient leur premier event et manquaient de NSO… ». Sans rien avoir vu venir, elle se retrouve formée au poste de Score Keeper 15 minutes seulement avant le début du match. « J’ai adoré l’ambiance, les équipes, les arbitres, bref absolument tout ». Elle signe sa licence dans la foulée. Pendant deux années elle est tour à tour joueuse et NSO. Mais une blessure va la contraindre quelques temps à arrêter tout contact. Une convalescence qu’elle va mettre à profit : « En attendant de pouvoir rejouer, je me suis inscrite à mon premier Bootcamp Ref, en me disant que ça pourrait être utile. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que reffer allait me plaire plus que jouer » ! Elle compte aujourd’hui à son actif 188 matchs (107 en réf et 81 en NSO).
"L'envie que tout soit parfait".
« Pour ne jamais être pris.e au dépourvu » et que « tout soit parfait » sont quelques-unes des raisons pour lesquelles Mogwai a dévoré l’intégralité des règles du roller derby : « Ce qui nous motive quand on commence un match c’est que tout se passe bien, et que tout le monde passe le meilleur moment possible! ». Elle développe très vite une véritable passion pour ce travail de l’ombre. « Je suis plutôt timide et réservée, donc le travail de NSO m’a tout de suite plu ».
"Devenir Official, c'est intégrer une équipe, c'est rejoindre une grande famille."
C’est pour les appliquer, (voire parfois les contourner) et pousser ainsi son jeu jusqu’aux limites de la légalité, que Stallone s’est perfectionné aux règles du roller derby, avant de découvrir que : « le monde de l’arbitrage est super riche » et de vouloir devenir elle aussi arbitre. « Et puis il y avait des bonbons à tous les events. Et le catering. Du coup, je suis restée ???? ».
Pour Jenah, apprendre l’arbitrage c’était avant toute chose un gage de réussite de ses MS théoriques et aussi une façon d’aider sa ligue en grossissant l’effectif, souvent insuffisant, d’arbitres nécessaires à l’organisation de scrimmages. « Cela est vraiment formateur pour apprendre les règles complexes de ce sport mais aussi pour acquérir une vision et une compréhension de jeu. J’ai découvert un milieu super avec des gens bienveillants qui m’ont vite motivé et encouragé à continuer » !
« Ma motivation est liée à ce sport que j’aime tant » (Cec Tape)
« J’étais ultra-stressée »
« Epaulée par des ami.e.s arbitres plus expérimenté.es, Stallone a fait son grand saut sur la scène intimidante du Championnat national en tant qu’ Inside Whiteboard sur une étape N2 : « J’étais Ultra stressée et heureusement j’ai eu un Head NSO très pédagogue et à l’écoute (coucou HP, merci encore). Avant d’oser chausser les patins, il m’a fallu du temps car je craignais de faire des erreurs qui impacteraient directement le cours du jeu ».
"Il y avait la crème de la crème des Officials français de l'époque, donc je voulais faire bonne impression".
C’est au même poste, et après avoir participé à plusieurs Bootcamp Ref animés par Watzé, Dire Wolff ou encore Jean-Quad Grand Slam… que Mogwai fait ses premières armes dans l’arbitrage, à Mérignac en 2014, à l’occasion de La côte ouest on the Track : « Je suis de nature anxieuse, j’étais en panique juste avant le match » (chose qui peut encore lui arriver même au bout de 7 ans dit-elle). Elle entre dans la cour des grands à l’occasion du célèbre SLIP IT : « Il y avait la crème de la crème des Officials français de l’époque, donc je voulais faire bonne impression. Mais en vrai c’était un peu une cata : il faisait 8 °C dans le gymnase, on était frigorifié, dès le premier jour j’ai fait une urticaire géante (je vous ai dit que j’étais du genre à stresser ?) ». Ce qui ne l’empêchera pas de candidater de nouveau et d’être sélectionnée pour les éditions suivantes du tournoi. Fervente fidèle du West Track Story à Nantes depuis sa création elle va cumuler parallèlement les postes de NSO dans les trois divisions du championnat national sous le titre officiel d’arbitre FFRS.
"je ne connaissais même pas les règles, alors les fautes...!"
Jenah aussi raconte avoir été très stressée lors de son premier scrimmage en tant que NSO : « Je devais noter les fautes que donnaient les arbitres mais je ne connaissais même pas les règles, alors les fautes… ! » Formée par Twenty Cent et Dirty Dancing Queen, Joseph Praline, Princesse Stallone, Sueur Sourire, Cec Tape et bien d’autres, elle plonge dans le grand bain en mai 2019 au poste de Penalty Box Manager sur une étape du championnat national masculin : « Je ne connaissais pas beaucoup de monde dans le Crew d’arbitres présents, mais les gens étaient tous supers ; un week-end fatiguant mais chouette ! ». Une expérience très positive qu’elle renouvelle dans la foulée sur plusieurs plateaux du Championnat. Elle officiait en février dernier sur l’incontournable étape élite à Nantes : « Participer à des évènements à l’extérieur m’a permis de rencontrer des personnes expérimentées qui m’ont beaucoup apporté, techniquement et humainement ».
"Je pense que j'ai été un peu relou au départ!"
Elle s’est « accrochée comme une bernique à tous les arbitres» qu’elle connaissait pour apprendre auprès d’eux raconte Cec Tape : « Je pense que j’ai été un peu relou au départ ! ». Lire et relire les règles, visionner des matchs, poser sans cesse des questions, s’entourer…, sont les fondamentaux de l’apprentissage arbitrale selon elle. Après un premier match en tant que NSO, elle tente sa chance et postule à un poste de SO. Elle est retenue : « J’étais OPR. J’ai dû siffler genre 3 fautes en tout et pour tout. Ça s’est super bien passé, les joueuses étaient super cool et adorables. C’est un bon souvenir ». Aujourd’hui, elle officie surtout dans l’ouest, de la Normandie à la Vendée : «Je vais rarement plus loin à cause du coût des déplacements ». Elle ne louperait pour rien au monde des événements comme le Never Track Down du Mans et aussi beaucoup de ceux organisés par les NDG.
Si toutes ont déjà bien roulé leur bosse dans les gymnases de France, d’autres ont aussi arbitré en dehors de nos frontières. Cec Tape raconte son expérience d’NSO à Barcelone : « C’était génial. Nous étions beaucoup de nationalités différentes. J’étais SK, la SO était Espagnole et l’autre SK, Portugaise et malgré la barrière de la langue, on a réussi à super bien communiquer. Je me suis même retrouvé à expliquer le poste de LT à une Barcelonaise, avec mon anglais très approximatif !» Quant à Mogwai, elle n’oubliera pas de sitôt le souvenir d’avoir arbitré à la coupe du monde de Manchester en 2018 !
Pour devenir arbitre SO ou NSO, il n’y a pas de Minimum Skills à valider : « Je dirais que tout se fait de manière communautaire » (Jenah). Dans la majorité des ligues, on retrouve des comités d’arbitrage auprès desquels se former. Il faut se rapprocher des personnes expérimentées au sein de sa ligue ou des ligues voisines. Participer à des Bootcamps dédiés à l’arbitrage est un moyen sûr d’apprendre une multitude de choses. La Commission Roller Derby propose aussi des stages pour débuter ou se perfectionner. Participer régulièrement aux entrainements des joueuses de sa ligue est nécessaire pour aiguiser son regard. S’inscrire sur les nombreux groupes Facebook pour se tenir informé et poser ses questions. Et surtout pratiquer !
« L’apprentissage passe surtout et avant tout par la pratique ».
Arbitrer sur des Scrimmages et/ou des matchs de son niveau en remplissant les formulaires d’inscription, voilà comment débuter. Et si c’est la première fois, il suffit juste de le préciser dans la partie « DERBY CV » qui permet aux Head Ref d’attribuer les rôles. Chacun.e a le droit de postuler à tous les events mais ne seront sélectionné.e.s que les candidat.es dont l’expérience correspond aux exigences et au niveau du match. « C’est évident qu’un débutant ne sera pas catapulté d’entrée de jeu sur un match élite ».
« Google translate est mon ami »
Et pour ceux et celles qui s’inquièteraient de s’étouffer avec la langue de Shakespeare, Jenah rassure : « Parce que tu crois que je parle anglais moi ?" Pas de panique, les fondamentaux nécessaires au derby s’apprennent en même temps que les règles. D’autant que sur des compétitions N1 ou N2 ou sur des matchs hors championnat et de petite envergure (scrimmage, double ou triple header), très souvent le Crew parle français" rassure Stallone.
Pour autant, même s’il est possible d’arbitrer en France sans avoir un niveau d’anglais de fifou il faut oublier l’idée d’arbitrer à haut niveau si on ne parle pas anglais, une règle qui souvent prévaut aussi sur les étapes élite sur lesquelles tout ou partie du Crew arbitral parle anglais explique Mogwai, qui ajoute aussi : « La clé d’un bon travail étant la communication, si vous ne comprenez pas vos collègues, ni les joueur.ses et que vous ne pouvez pas communiquer avec eux ou elles, vous pénalisez le collectif. Je suis un peu dure en disant cela mais en vrai il y a énormément de situation où cette non-communication peut poser un problème ».
"Lire et relire encore et encore les règles »
« Il est vraiment nécessaire de s’entrainer régulièrement » rappelle Mogwai : « A l’époque j’allais aux entrainements en semaine et j’essayais de repérer les pénalités de contact, quand il y avait des exos sur les packs, j’entrainais ma vision sur les 3m et les 6m ». Et aussi être à jour dans sa connaissance des règles, les lire encore et encore et se tenir au courant des évolutions et des mises à jour. « Pour éviter ces moments de doutes et ce sentiment pénible, quand une situation bizarre intervient et qu’on n’est pas sûr de la meilleure manière de le traiter ».
« Nous apprenons de nos aîné.e.s et des un.e.s et des autres ».
Stallone insiste : « Il faut profiter des phases de jeu pendant les entraînements des joueur.ses de sa ligue ». Et s’adapter aux exercices. « Si les filles font un exercice de pack, je vais donc travailler le pack. Si les jammeuses bossent les apex, je vais les regarder, et réviser les règles de l’apex etc… » explique Cec Tape qui a plus d’un tour dans son sac pour s’entraîner : « pour apprendre à caller une faute, j’ai fait un exercice pendant très longtemps. Quand j’étais en voiture, je répétais les plaques d’immatriculation des voitures que je croisais ». Jenah ajoute qu’il est indispensable d’être actif.ves sur les groupes internes dédiés aux arbitres.
Du reste elles s’accordent toutes à le répéter : il faut pratiquer en s’inscrivant à des évènements et en postulant à TOUS les postes d’arbitrage.
Et des postes il y en a pour tous les goûts! Plutôt branchée Jam Ref en SO, Stallone, elle, a aussi un faible pour les postes NSO en inside (Penalty Tracker, penalty Wrangler, Jam Timer) et dès qu’il faut : « répéter les fautes très fort » !
Parce que ça lui permet d’être : « au cœur de l’action et ne jamais s’ennuyer, voir tout ce qui se passe, et capter toute la communication des SO », Mogwai place le rôle de Penalty Tracker sur un piédestal. Au contraire, elle évite les postes en Penalty box : « Trop de stress, il faut gérer le chrono et écrire sur la feuille, et si toutes les joueuses arrivent en même temps je panique et je ne sais plus du tout gérer les priorités ! » et celui de Scoreboard Operator : « Parce que si tu fais une erreur tout le monde le voit, c’est affiché en gros ! »
Moins convaincue par le poste de Line-up Tracker (qui consiste à noter les ligues en départ de jam et vérifier qu’il n’y ait pas trop de monde sur le track ou plusieurs jammers/pivots), Jenah n’arrive pas vraiment à apprécier ce poste un peu trop tranquille à son goût. Elle lance un Big up à Bender qui a réussi à la faire passer : « 3 jours à ce poste sur un banc pas très confortable ! ». Elle lui préfère le Penalty Line-up Tracker (qui consiste à retranscrire les lignes de joueur.se.s qui partent, les fautes données par les réfs et de vérifier avec la prison) : « C’est un poste hyper intéressant et situé en inside (donc cool pour apprécier le match tout en mangeant des bonbons) ».
Pas très à l’aise avec les postes d’IPR, (« je n’ai pas le compas dans l’œil pour le pack et puis quand tu commences les postes d’IPR, c’est la porte ouverte à ce qu’on te demande d’être HREF un jour et ça c’est NO WAY pour le moment »), Cec Tape privilégie plutôt les rôles de JREF ou OPR. Quand elle est NSO son pêché mignon c’est le pôle score (SK ou SO). En revanche, elle a banni de sa vie d’arbitre les postes qui nécessitent l’utilisation d’un chrono : « Je ne sais pas comment je me débrouille mais ils ne fonctionnent jamais avec moi ! »
On le sait, certaines personnes jonglent avec les rôles au sein de la communauté du roller derby et portent tour à tour les casquettes de joueur.se, arbitre, coach…A la question de savoir si c'est une force ou une faiblesse, Stallone répond : « Etre à la fois joueuse et arbitre est une force indéniable : « Parce que cela m’a aidé à développer grandement ma vision du jeu et ma gestion du pack », mais aussi parfois une faiblesse : « Parce que je call des fautes tout en jouant alors que je n’ai clairement pas une vue objective du jeu à ce moment-là ».
« Les rôles se complètent et jouent tous un rôle dans l’apprentissage, dans le développement de sa vision de jeu, dans la maîtrise des règles ». (Jenah)
« Il faut vraiment prendre cela au sérieux »
« Être très concentré.e » c’est la première réponse qui vient à Stallone quand on lui demande quelles sont les qualités requises pour arbitrer. : « Qu’on soit NSO ou SO, la concentration évite certaines erreurs qui peuvent parfois impacter d’autres arbitres, voire le jeu ». Et si l’ambiance en dehors du Track est très décontractée, sur le Track « Il faut vraiment prendre cela au sérieux » ! Elle ajoute qu’il faut écouter les avis des autres, admettre ses erreurs et se remettre en question.
« Apprendre à se connaitre et connaître ses limites »
« Avoir le sens du collectif, savoir être impartial et honnête et savoir gérer le stress » sont des qualités indéniables explique Mogwai. Il faut pouvoir encaisser les remarques désobligeantes (des joueuses, des Bench, du public, parfois des autres arbitres) auxquelles on se retrouve confronté tôt ou tard, et ne pas se laisser déstabiliser. « Apprendre à se connaitre et connaître ses limites, pour se positionner sur des postes dans lesquelles on se sent à l’aise ; mais aussi se fixer des axes d’amélioration, car, qu’importe son niveau d’arbitrage, on peut toujours s’améliorer ».
« Faire preuve de neutralité, d’ouverture et de volonté »
Et pour ceux et celles qui visent des postes d’encadrement (Head), Mogwai rappelle qu’il leur faudra, non seulement une parfaite connaissance des règles et des spécificités de chaque poste mais aussi et surtout des qualités humaines fortes (bienveillance, patience, empathie…) pour gérer son équipe dans les bons comme dans les mauvais moments. La bienveillance justement, c’est selon Cec Tape : « le truc le plus important. On ne se connaît pas forcement tous et, moi qui fait partie un peu des meubles, j’essaye de faire attention aux arbitres qui débutent. Je n’ai pas envie qu’ils passent un mauvais match et qu’ils regrettent d’avoir postulé ».
« Tout le monde est capable de se mettre à l’arbitrage avec de la motivation et de la bienveillance ! » conclue Jenah. (Mais pour exceller, encore faut-il : « Aimer la nourriture et surtout les bonbons » plaisante-elle).
« Avoir un comportement exemplaire »
A l’instar des valeurs inhérentes à la communauté du roller derby et au vu du rôle décisionnaire des arbitres et de leur influence sur le jeu en lui-même, il importe que ces derniers aient : « un comportement exemplaire » (Jenah). « Nous veillons à ce que la violence, l’agressivité, le harcèlement ou tout autre comportement moral ou physique dangereux soient exclus et à ce que règnent le respect et la bienveillance» (Stallone).
La tolérance, l’écoute, l’entraide, l’impartialité, la pédagogie, l’humilité…des qualités essentielles pour devenir un arbitre compétent.
Pour Mogwai, le fondement de l’arbitrage passe par le RESPECT des autres, de leurs choix, leurs genres, leurs cultures…, par l’ENTRAIDE, et l’IMPLICATION : « Quand on s’engage à être NSO ou SO sur un match, on ne le fait pas pour soi, mais pour les joueuses, pour le Crew d’Official avec qui on travaille, pour les spectateurs, donc on le fait bien. Si on est là pour dépanner et qu’on s’en fout, ça ne fait que rajouter du stress et du travail aux autres ».
« La chose la plus précieuse que peut avoir un arbitre, c’est sa réputation, s’il y a des doutes sur son impartialité, c’est fini ».
Le manque d’impartialité est inacceptable pour une arbitre car : « C’est la base de notre boulot » dit Mogwai. Il faut faire preuve de bonne intelligence : « C’est ok de dire bonjour et de discuter avec quelqu’un que tu connais, on ne va pas interdire aux gens de se parler. On ne garde pas toujours une poker face, on sait où est la limite. Il faut toujours se poser la question de : comment une personne extérieure interprèterait mon échange avec la personne que je connais ? Si cela jette un doute sur mon impartialité, alors c’est que je ne dois pas le faire. » Un comportement toutefois plus difficile à adopter quand on est NSO débutant et quand on découvre le derby, qu’on est à fond derrière sa ligue et qu’on a envie de soutenir son équipe » admet Mogwai.
« Il faut rester professionnel.le et se mettre dans son rôle » (Stallone).
« D’autant que les joueur.ses connaissent notre rôle et notre devoir de neutralité et ne nous tiennent pas rigueur de nos poker face (Jenah). Poker face qui souvent n’est autre qu’un visage de concentration comme celui de Cec Tape pour qui, il n’est pas difficile d’être neutre : « En match je ne vois que des maillots et des numéros !»
Et quand le petit « eyes contact » arrive sans crier gare, accompagné de cette pensée : «je sais que tu sais que je sais que c’est toi » avec une jammeuse qu’on adore et tandis qu’on la suit en bon JR dans un tour de Track. Mais rien n’empêche : « Si alors, elle avait fait une faute, je l’aurai sifflée sans aucun problème » (Cec Tape).
"Ce qui s'est passé sur le terrain reste aux vestiaires"
Ne pas discuter des décisions arbitrales post-match devant les équipes : une discipline qu’il faut tenir. Pour ne pas risquer de « créer des tensions » explique Stallone. « Et puis nous avons bien d’autres sources de discussions avec les joueuses » ! sourit Jenah qui, comme Cec Tape, sitôt hors du Track, repasse en mode normal : « je ne suis plus arbitre, je fais alors simplement partie de la communauté du Roller Derby ».Toutes se rejoignent sur un point : « Après les matchs, un bon After, et tout va bien ! »
« On travaille ensemble pour la performance, et non pas les uns contre les autres »
En ce sens ou chacun.e veut donner le meilleur de soi pour ne pas nuire au déroulement du jeu et/ou pénaliser les joueurs et les joueuses avec un mauvais arbitrage, « oui il y a une notion de performance chez les arbitres. Cependant, il s’agit plus d’une compétition contre soi-même que contre les autres ». L’entraide et le partage priment sur le reste. « C’est un environnement dans lequel je n’ai pas peur de faire des erreurs car je sais que mon Crew m’expliquera et me soutiendra » (Stallone).
« Faire un match parfait, fluide, avec une communication super efficace, c’est la performance rêvée » pour Mogwai qui regrette ailleurs la compétitivité dans l’arbitrage. « J’ai déjà rencontré des arbitres compétiteurs, qui font ça un peu pour la gloire, je n’aime pas travailler avec eux, ils ne sont pas au service du collectif et se placent au-dessus, je déteste ça ».
Au même titre que les joueurs et les joueuses, les arbitres ont aussi une routine de match, individuelle et collective. Certain.es s’isolent, d’autres s’entourent et tous.tes disgressent aisément sur les joies du catering !
Cec Tape vérifie ses sifflets puis va s’échauffer : « Je fais quelques tours de Track. J’observe le warm up des joueuses et je commence à faire le repérage des numéros. Exemple : si dans une équipe, il y a un numéro 11 et un numéro 111… les trucs relou quoi ! ». Mogwai, elle, évite toute sur-anticipation : « Je veux juste me laisser porter par le déroulement. Ça me permet de moins stresser. Dans les 15 min avant le match, je prends ma feuille de NSO, je vérifie que les infos sont à jour, je vais voir les personnes avec qui je vais travailler pour valider comment on va communiquer ».
Le catering, centre névralgique de la vie arbitrale les jours de matchs.
Quand on demande à Jenah à quoi ressemble sa routine de match, sa première pensée va droit au catering mis à la disposition des arbitres, pour leur plus grand plaisir, par la ligue qui accueille l’événement. Mais parce qu’il n’y a pas que la nourriture dans la vie « on discute beaucoup, de tout et de nos expériences récentes, on se raconte des blagues, on fait toujours les mêmes, dans la bonne humeur et la bienveillance ! »
"J'adore ce moment où on quitte la box pour se positionner!"
Selon Stallone, l’Official Meeting est un moment très important : « Chacun.e arrive avec son thé ou son café (toujours prévoir du café. TOUJOURS. Sauf si vous voulez que Cec Tape soit véner!), on retrouve les ami.es pas vu.es depuis longtemps, on écoute la.e HEAD NSO et la.e HEAD REF répéter les phrases que l’on connaît par cœur, chacun.e y va de son petit commentaire ou de sa petite blague. C’est vraiment un moment de détente où on se met tout doucement dans nos rôles à venir tout en construisant la cohésion du Crew. Dix minutes avant le début de match, on se retrouve souvent en box , un moment fort, surtout lorsqu’on se check tous et toutes avant de rejoindre nos positons. J’adore ce moment où on quitte la box pour se positionner. Dans ma tête c’est toujours au ralenti comme dans les films, mais en vrai, la box n’explose pas type Michael Bay et encore heureux! »
« Nous ne sommes pas infaillibles »
Des matchs très difficiles à arbitrer, Stallone en a vécu : « Beaucoup de fautes et des joueu.r.ses très hautain.es, qui s’énervent et deviennent aggressi.ve.fs dès qu’on leur siffle quoique ce soit ». Entre tensions et pression, pour elle un match raté : « c’est surtout un match où la communication et l’ambiance entre Officials est mauvaise » donnant lieu à des erreurs d’arbitrage.
"Quand tu enchaînes 3 matchs, faire des erreurs c'est normal et c'est ok!"
« Mon sentiment d’échec personnel varie selon les jours, selon mon état mental global surtout » (Mogwai) . Accepter de faire des erreurs et vivre avec, un véritable défi pour les arbitres très impliqués mentalement et émotionnellement dans leur travail : « Ça reste difficile parce que j’ai le sentiment que ça effrite la confiance que mes collègues peuvent avoir en moi » explique Mogwai. Elle se remémore un match du Slip It #5 pendant lequel sur un jam, elle n’a pas su voir qu’il y avait 5 bloqueuses en jeu, et se l’est fait dire par le Bench adverse, trop tard, à la fin du jam : « Là tu te sens mal, là tu as raté ton match, et ce sentiment déteint sur les autres matchs de la journée. Il faut apprendre à passer à autre chose. » Car qu’on s’entende : « Quand tu enchaînes 3 matchs, faire des erreurs, c’est normal et c’est ok ».
Avoir l’impression de faillir à son rôle au détour d’une faute d’arbitrage est monnaie courante pour les SO et NSO. Mais faire des erreurs ne signifie pas forcément ne pas donner le meilleur de soi. Et en cas de coups durs, « on a toujours des camarades pour nous soutenir » (Jenah).
"J'avais l'impression de me faire tout le temps avoir...".
Se sentir dépassé sur un match de haut niveau et à haute intensité, c’est une expérience qu’a faite Cec Tape, lors d’un match élite : « Leur jeu était rapide et très stratégique et quand on ne maîtrise pas tous les points règles…, j’avais l’impression de me faire tout le temps avoir, comme si j’étais une joueuse adverse». C’est toujours une occasion d’en tirer des leçons : « Ca permet de définir un nouvel objectif pour continuer à s’améliorer ».
« Je siffle une faute seulement si je suis sûre à 100% de sa véracité ».
Toutes s’accordent à le dire : « Quand on a un doute on laisse passer la faute ! Sinon on risque d’impacter le jeu injustement. Et cela malgré l’impression d’être nul.le ou inutile si on ne siffle rien ». Selon Cec Tape, à peine 50% des fautes seraient sifflées dans un match. Elle rappelle les trois questions à se poser avant de siffler : Qui est l’initiatrice ? L’action est-elle légale ? Quel est l’impact ? « Et en cas de doute, on garde l’action en tête et on en parle aux autres arbitres à l’inter jam ».
Comment réagir quand la pression monte et face à des joueuses en colère ou des membres de leur staff qui s’emportent contre les arbitres malgré et hors cadre du Review ?
« Rester calmes et polies. Communiquer de manière factuelle et respectueuse ».
« La frustration et la colère des joueuses ,on peut le comprendre, elles sont dans le jeu, elles n’ont pas forcément la même vision que nous, donc il faut juste que cela nous glisse dessus » (Mogwai).
"éviter que les choses s'enveniment"
« Si je vois de l’incompréhension dans le regard d’une joueuse par rapport à une faute, je vais prendre quelques secondes à l’inter-jam pour lui expliquer sa faute. Le but est d’apaiser tout de suite la tension pour éviter que les chose s’enveniment, que l’incompréhension se transforme en un sentiment d’injustice puis de colère » (Cec Tape).
"Qu'on le rappelle, c'est le rôle du head ref de gérer cette communication"
« Se prendre des réflexions en plein match par les coachs, c’est une expérience déstabilisante. Ça instille le doute, ça remet notre travail en cause, ça nous sort parfois complètement du match et ça crée du stress et de l’énervement qu’il va falloir contenir » explique Mogwai qui regrette que certains coachs viennent adresser leur remarque aux NSO et SO alors qu’on le rappelle, c’est le rôle du HEAD REF de gérer cette communication.
"Si la communication devient irrespectueuse, c'est l'expulsion".
Reste que si la communication devient irrespectueuse c’est l’expulsion. « Je parle de réflexion vraiment insultante, on est ok avec l’énervement des joueuses, c’est complètement normal on ne juge pas, mais on ne fait pas 400 bornes dans notre week-end à pas dormir, bosser comme des oufs et sortir des sous de notre poche pour se faire insulter gratuitement. Et la bienveillance fait partie des valeurs qui nous tiennent à cœur et on tient à ce que cela le reste » (Mogwai).
Jenah raconte son expérience difficile en tant que jam réf débutante lorsqu’une joueuse est venue remettre son travail en question. Une situation, selon elle, « formatrice et indispensable à la pérennité du sport » et qui pourtant l’avait fait « beaucoup réfléchir sur la suite de sa carrière d’arbitre au sein du derby ».
Noyée sous les informations, elle ne savait pas où se positionner exactement en tant qu’IPR pour siffler les OUT OF PLAY, ni sur quoi se concentrer vraiment. Stallone se souvient de ce match pendant lequel elle « n’a rien sifflé » et « s’est « sentie absolument nulle ».
Hués par un public novice, agressés parfois par des Bench virulents, des cas choquants et isolés mais qui malheureusement arrivent.
« Le syndrome de l’imposteur », c’est ce qu’a ressenti Cec Tape, étant la seule femme et ne parlant pas bien anglais, au sein d’un Crew d’arbitre anglais. « J’ai eu le sentiment de ne pas être à ma place, je me suis sentie un peu seule au monde … »
"J'ai détesté le travail que j'ai fait ce week-end là!"
Quand derrière l’arbitre, l’humain s’effondre, Mogwai nous confie des blessures plus profondes encore : « Fin de saison 2017-2018, j’étais THNSO sur la seconde étape de la Nationale 1 Masculine Zone Ouest, ça se passait à Nantes. On m’a diagnostiqué une dépression 6 mois plus tôt. La préparation du plateau se passe très mal car il y a un conflit avec la personne référente de la zone. En arrivant sur place, je suis très tendue, en fait je suis déjà à bout, je n’ai plus l’énergie ni la patience pour porter l’équipe, pour former et accompagner les jeunes recrues, j’ai une personne de mon Crew qui n’était pas du tout impliquée ce qui me rajoute du travail, on a dû expulser un joueur pour donner suite à un mauvais comportement envers un arbitre, bref j’étais excédée ».
J’ai détesté le travail que j’ai fait sur ce week-end-là, je n’aurai pas dû prendre la charge de THNSO, j’aurais dû savoir que je n’étais pas dans les conditions mentales pour faire cela, mais on avait des difficultés à recruter alors je l’ai fait quand même. De mauvaise humeur, j’étais sèche envers les organisateurs et envers certains membres de mon Crew, je me suis sentie peu disponible pour mon équipe, je n’ai pas été une bonne THNSO et c’était la première fois que je le faisais.
"Je ne me reconnaissais pas dans ce que je faisais".
J’ai beaucoup pleuré à la fin de ce week-end et j’ai décidé d’arrêter le derby parce que je ne me reconnaissais pas dans ce que je faisais, ça ne correspondait pas aux valeurs que je voulais porter dans ce sport. J’ai finalement repris 6 mois plus tard tout en étant suivie pour ma dépression. Avec le recul je sais juste que mes limites aujourd’hui ne sont pas les mêmes. Je suis une très bonne NSO, je fais bien mon boulot, mais je ne suis aujourd’hui plus capable de prendre en charge une équipe, il y a des gens autour de moi qui le font merveilleusement bien alors je suis contente.
On se dit toujours au début que la suite logique d’une carrière de NSO est de gravir les échelons de responsabilité NSO puis HNSO puis CHNSO puis THNSO puis je ne sais quoi. En vrai ce sont des fonctions très différentes, l’important est de trouver la place où on se sent bien et où on est performant ».
Passer à côté de certaines fautes, en siffler d’autres qui n’en sont pas…, pour un arbitre dont le job est d’être focus à 100%, la fatigue se concrétise par une baisse d’attention. Ce qu’une bonne préparation mentale et du sommeil peuvent aider à éviter. « Même si rentrer tôt de l’After n’est pas toujours facile » (Stallone).
« On finit souvent les événements sur les rotules »
« Même si on ne se donne pas autant physiquement que les joueuses, on enchaîne tous les Jams, et quand un pack roule beaucoup, ça fatigue physiquement. Une fatigue mentale aussi car il faut analyser toutes les situations, et sans arrêt avoir la mécanique du : quelle initiatrice ? Quelle légalité ? Quel impact ? En NSO, aussi car on fait des actions répétitives tout au long de la journée et au bout d’un moment, on fatigue, et on fait des erreurs d’inattention. Après quelques matchs, on ne peut plus analyser aussi bien toutes les situations. C’est pourquoi on évite que les arbitres enchainent les matchs (Mogwai). Jenah parle aussi du stress que certains matchs, à enjeu notamment, peuvent occasionner.
Au niveau mondial, la WFDTA a mis en place un système officiel de certification nivelée : RECOGNIZED / LEVEL 1 / 2 / 3. Pour gravir les échelons, il faut enregistrer un certain nombre de matchs (OTHER, REGULE ou SANCTIONNE) en fonction du niveau visé, puis suivre une formation, valider un test et enfin se faire recommander par un pair. Un système qui n’est pas infaillible, précise Mogwai : « être certifié Level 3 ne garantit pas qu’on soit au top dans tous les domaines, mais c’est un bon passeport quand on veut arbitrer à haut niveau dans des régions où l’on n’est pas forcément connu, notamment aux Championship WFTDA ».
Au niveau national la commission roller derby a mis en place un statut « officiel.les FFRS » même si selon Cec Tape les conditions pour l’obtention de ce statut sont relativement légères. Ailleurs et toujours dans un souci d’élever le niveau général d’arbitrage français, Cec Tape serait pour la mise en place d’un passage obligé des MS pour les réf : « On exige de la part des joueuses qu’elles passent cet examen pour pouvoir jouer mais nous les réfs, on peut arriver un beau matin et commencer à arbitrer comme ça… je ne trouve pas ça très équitable ! »
Reste que la reconnaissance et l’attribution des rôles (notamment des Heads) va surtout se jouer à l’expérience et donc au regard du CV DERBY, mais aussi par réseau et réputation.Et quel plaisir de « se faire taguer un beau matin sur un post de recherche d’arbitres pour une étape élite (Cec Tape).
"Les frais sont un frein"
L’arbitrage du roller derby en France fait face à des difficultés d’effectif. « On a encore du mal à recruter suffisamment de monde et obtenir des Crew complets pour arbitrer les rencontres dans les meilleures conditions ». « On manque de personnes formées, car les frais pour se déplacer et le temps que cela représente sont souvent des freins ».
« On est toujours sous tension et il n’est pas rare de voir des évènements s’annuler ou se décaler par manque d’effectif arbitral » (Jenah).
« Nous sommes bénévoles et bien souvent on paie nos déplacements, le carburant, le péage... Parfois plus d’une centaine d’euros pour aller arbitrer un match. Tout le monde n’a pas les moyens et ça me fend le cœur de savoir ça » se désole CEC TAPE qui « aimerai que la commission RD soutienne financièrement et d’autant plus ces personnes ».
Mogwai qui à ses débuts en tant qu’arbitre visait d’aller jusqu’au championnat international WFDTA raconte : « Pour y accéder (et donc avoir arbitré suffisamment de matchs dans la saison et développé ainsi l’expérience et le réseau nécessaire), une arbitre lui a confié avoir dépensé 10 000 euros dans l’année ». Le derby reste une pratique très coûteuse et n’échappe malheureusement pas à une forme de discrimination par l’argent.
« Le manque de formation est un problème »
« Quand j’ai commencé à arbitrer, j’ai entendu tout et son contraire, et c’est très perturbant. J’aimerais que les arbitres aient une formation arbitrale obligatoire chaque saison. C’est important. Même si ce ne sont que quelques heures de théorie et de révision des règles, ça ne fera pas de mal… ! » (Cec tape)
« Le gros du travail reste à faire avec les joueur.se.s ».
Pour Stallone, si la commission RD essaie de valoriser au maximum le travail des arbitres, « le gros de l’effort reste à faire par les joueurs et les joueuses ». Vous sifflez alors qu’il n’y a pas eu faute ! Vous n’avez pas vu telle action faite par mon adversaire !... « On entend souvent les mêmes critiques » regrette-elle. « Les joueur.ses ont souvent du mal à comprendre que nous devons regarder 10 personnes en même temps. Alors parfois oui, on loupe des actions individuelles ». Car en effet, en dehors des limites du Track, les arbitres ont une vue objective et globale sur le jeu, un angle différent sous lequel juger de la légalité ou non d’une action et de son impact sur le jeu dans son ensemble.
Elle regrette aussi que le travail des NSO soit moins valorisé et moins reconnu que celui des SO. « On a tendance à oublier que ce sont des arbitres aussi et qu’ils sont essentiels au jeu ».
Se sentir reconnu, pris en considération, épaulé, parfois mis en avant, le traitement des arbitres varie considérablement d’une ligue à l’autre explique Mogwai. Et même si « reconnu.e », ne veut pas partout dire inclus dans le processus collectif, du moins chez les NDG elle s’est sentie très entourée : « En 7 ans, j’ai eu le temps de rouler ma bosse, de rencontrer et partager mon expérience avec beaucoup de monde. J’ai eu énormément de retour positif quand j’ai repris le derby après ma dépression et c’est quelque chose de très touchant ».
« Je sais que certain∙es se sont énormément battu∙es pour que nos conditions s’améliorent ».
Du côté des instances organisationnelles, même si, selon elle « le calendrier des compétitions FFRS est encore un peu trop dense pour le nombre d’arbitres formé∙e∙s disponibles, la commission a fait énormément de progrès ces dernières années. « Je sais que certain∙e∙s se sont énormément battu∙e∙s pour que nos conditions s’améliorent ».
Si son travail est reconnu et valorisé ? Jenah répond simplement oui, pour la simple et bonne raison qu’elle arbitre par envie et par plaisir et qu’elle trouve, en ça, la reconnaissance nécessaire. Cec Tape n’a, elle, qu’une certitude : « Si j’ai quelque chose à dire, je serai entendue et écoutée que ce soit par ma ligue ou par la communauté du RD ».
« Il y a définitivement une communauté au sein même de la communauté »
A sein d’une même ligue, à force de s’entraîner ensemble, et au même titre que les joueuses, les arbitres développent leurs délires, leurs « private jokes » et leurs rituels. Au niveau national, les moments forts de matchs qu’ils arbitrent ensemble tissent des liens, les rapprochent. Les rythmes sont différents entre les arbitres et les joueur.ses. « Pour moi c’est un monde à l’écart. On ne prend pas le jeu de la même façon » (Stallone).
Une différenciation qui parfois heurte et se transforme en sentiment d’exclusion. Être souvent « oublié » au sein de sa propre ligue (dans les déplacements, dans les achats de maillots, dans la communication…) est un problème qui existe malheureusement dit Mogwai qui parle ici d’une forme d’invisibilisation d’une partie de la communauté.
"Nous sommes interdépendants les uns et des autres".
« Si je veux arbitrer, il faut des joueuses. Si les équipes veulent faire des matchs, il faut des arbitres ». Une logique incontestable que rappelle CEC TAPE en soulignant cette interdépendance entre tous les membres de la communauté du roller derby.
Des rôles d’ailleurs bien souvent cumulés par une seule et même personne. C’est le cas de Jenah : « On a tout.es une passion pour ce sport et chacun.e a sa place dedans. Je ne me suis jamais personnellement sentie à l’écart, que ce soit en tant que joueuse, en tant que staff ou en tant qu’arbitre ».
« Je pense qu’il est important qu’il y ait un lien entre les arbitres et les joueuses, on a énormément à apprendre des pratiques des uns et des autres, on ne peut pas progresser sans cette communication. En discutant avec les joueur.ses on comprend comment ils.elles réfléchissent en match, on comprend les stratégies qui sont mises en place, cela permet de mieux lire le jeu, cette discussion nous permet aussi d’avoir du feedback : qu’est ce qui n’est pas compris, comment mieux communiquer, comment améliorer les pratiques. Et inversement les joueuses peuvent mieux comprendre comment sont appliqués les points de règles, comment on réfléchit, pourquoi on communique de telle manière à tel moment. » (Mogwai).
"Je n'oublierai jamais ce match."
Parce que parfois nos pires moments deviennent aussi nos meilleurs souvenirs, Mogwai raconte : « Je devais faire la Word Cup 2018 comme Score keeper, mais la semaine d’avant j’ai choppé la grippe. J’étais dégoutée : j’étais sourde, aphone, crevée et fiévreuse mais j’y suis quand même allée, ma HNSO m’a donc placé comme Alternate (un poste qui n’est pas clairement défini, on est remplaçant globalement). Les premiers matchs de la Word Cup ont été très difficiles, niveau très inégal, conditions difficiles, ma HNSO était claquée à la fin de la 1er journée (décalage horaire, réunion jusqu’à minuit et demi…). Le lendemain elle me demande de la remplacer sur son dernier match, je devais faire Penalty Tracker (mon poste de prédilection).
Je me retrouve propulser PT pour Costa Rica vs Grèce, aphone, sourde et shootée. Les conditions sont ignobles : un hall immense qui résonne donc j’entends encore moins les arbitres. Et c’est un match de 30 minutes, durant lequel on comptabilise 121 pénalités (avec Foul out à 4 pénalités, on ne savait même pas si le match allait se finir). Il y avait tellement de pénalités qu’avec ma collègue Penalty Wrangler on en loupait la moitié, c’était une catastrophe, on n’arrivait pas à suivre, on n’entendait rien mais pourtant je me suis éclatée, j’étais tellement heureuse d’être là. J’ai rendu la pire feuille de NSO de ma vie, j’avais super honte mais j’étais trop heureuse en même temps d’être arrivée là. Je n’oublierai jamais ce match ».
« Quand la communication est parfaitement fluide, ça donne le sentiment d’une machinerie parfaitement huilée où tu remplis parfaitement ton rôle ».
Et il y a aussi tous ces petits plaisirs de la vie arbitrale comme celui de Jenah qui aime « Réussir à répéter les fautes en même temps que ma.on camarade PTL et avoir une harmonie parfaite » et lance un Big up à Stallone qui, elle, confie quelques-uns de ses « guilty pleasure » : « Quand les SO balancent quatre fautes en même temps et que je les récupère toutes sans qu’iels aient besoin de répéter. En JR, quand j’arrive à voir un Illégal StarPass sans me faire avoir. En penalty Box, quand j’arrive à arrêter mon chrono à 30 secondes tout pile. Et bien sûr de pouvoir étaler la supériorité de la Normandie tous les quarts de seconde auprès de n’importe qui » !
« Voir l’envie de bien faire dans les yeux des freshmeat sur leur premier match, sentir leur appréhension, mais aussi leur fierté. Notre rôle prend alors tout son sens : être garant de la sécurité des joueuses, être garants de l’esprit du roller derby » (Cec Tape).
Si depuis le début du confinement, certaines joueuses se promettent chaque jour d’enfiler leurs baskets pour une séance de renfo ou leurs patins pour travailler leurs hockey stop, nos arbitres, elles, pour pallier leur manque grandissant d’arbitrage, re et re et relisent les règles du roller derby, regardent des matchs, jouent à « Qui veut gagner ses MS ? ». Et pour patienter jusqu’à la saison prochaine, les bonnes idées n’ont pas manqué : « Joseph Praline nous concocte tous les jours un « douze coup de midi » du derby avec situation de jeu à réfléchir ».
Leur rêve d’arbitre ? Mogwai, Stallone, Jenah et Cec Tape n’ont pas eu à le chercher bien loin ! Pas de folie des grandeurs ni d’ambitions démesurées, (ou du moins plus), pour nos 4 arbitres qui trouvent leur bonheur notamment sur les étapes du championnat N1/N2 et/ou sur des petits événements où bonne humeur et bienveillance riment aussi avec défi et progression, loin du stress des matchs de très haut niveau.
« La seule chose qui m’importe c’est de passer le meilleur moment possible. Mes weekends derby sont très importants et je veux qu’ils soient sans stress, ni angoisse. Je veux pouvoir m’amuser, rire, faire de supers rencontres » (Cec Tape). « Mon match de rêve c’est celui que je fais avec mes copains arbitres, celui où on fait du beau boulot » (Mogwai).
(On soulignera toutefois et en aparté le désir ardent de Stallone de connaître : « cette foutue blague du curé qui mange un cheval » et nous invitons les lecteurs et lectrices de cet article à l’aider si vous pouvez).
« Il y aurait beaucoup trop de noms à donner ! »
Certains tombent quand même : l’Albatroce pour sa « gestion exceptionnelle du chrono ! » (Stallone), Dire Wolff pour ses prises de positions et sa contribution à la beauté de la communauté (Mogwai) , Christo Bee pour son incroyable compétence : « Quand il est dans Crew, je sais d’office que tout va bien se passer. Grâce à lui, j’ai appris à avoir confiance en moi, à me sentir légitime »(Cec Tape), Sueur Sourire : « Sans elle, mes weekends derby ne seraient pas les mêmes. C’est la meilleure HNSO selon moi et la plus belle personne que je connaisse » (Cec Tape).
Loin d’être exhaustive, la liste s’allonge. Jenah y ajoute Joseph Praline, (son "Sam Gamegie"). Des hommages qu’elles se rendent aussi mutuellement (et peut être sans le savoir) : « Mogwai est une personne qui au tout début m’impressionnait beaucoup, parce qu’elle était tellement compétente. Elle est tellement bienveillante, tellement gentille, bref j’adore quand elle est là ! » (Cec Tape). « Merci à Sueur Sourire et Cec Tape de ne pas avoir baissé les bras quand moi je l’ai fait et pour avoir su redynamiser l’arbitrage dans l’Ouest de manière complètement fifou, c’est elles qui m’ont donné envie de revenir dans le derby » (Mogwai).
Si elles devaient conseiller et encourager les personnes qui caressent de près ou de loin l’idée d’arbitrer, elles leur diraient : « de ne pas baisser les bras, que c’est normal au début de se sentir stressé, paumé et de ne rien siffler sur ses premiers matchs, qu’on est tous passé par là ; de s’écouter, d’apprendre à connaître ses limites, et de ne jamais oublier que c’est du bénévolat, que si elles ne veulent vraiment pas faire quelque chose parce que ça les met en détresse, de ne pas le faire et finalement d’être gentille, humble, ouverte et respectueuse envers tous et toutes » (Mogwai).
D’avoir confiance en elles, (car souvent les arbitres qui commencent se posent toujours la question de savoir ce qu’ils font là et remettent en question leur légitimité).
"Nous sommes la team no fun la plus fun qui soit!"
« Je leur rappellerais que nous sommes une équipe et qu’on est là pour répondre à toutes leurs questions, leurs doutes. Enfin je leur dirais que nous sommes la team no fun la plus fun qui soit !» (Cec Tape).
Jenah et Stallone finissent sur une note sucrée : « Lancez-vous, gardez la pêche, profitez des catering, préparez vos diabètes à manger des bonbons et votre cœur à rencontrer de belles personnes » !
« J’ai trouvé ma team de cœur »
Qu’ont-elles trouvé au bout du compte au travers de leur aventure arbitresque de roller derby?
« J’ai trouvé ma team de cœur » (Stallone). « J’ai appris où étaient mes limites, à les exprimer, à les faire respecter » (Mogwai). « J’ai appris à échouer et recommencer pour y arriver. J’ai appris la persévérance et la confiance en soi » (Jenah). « J’ai amassé les beaux souvenirs et les rencontres inoubliables » (Cec Tape).
Leur petit mot de la fin, quelques mots roulés et glissés dans une bouteille, en espérant qu’ils atteignent l’autre rive, au détour d’une de vos lectures sur Myrollerderby !
« Soyez bienveillant envers vous-même, prenez le temps de vous sentir bien, prenez soin de vous » (Mogwai).
« Team Galette 4ver et rejoignez-nous, on a des bonbons !» (Jenah)
« Le Derby me manque terriblement, j’ai hâte que la saison reprenne, revoir toutes ces belles personnes qui font de notre sport, le meilleur sport du monde ! » (Cec Tape)
« Avez vous la réponse à la blague du curé qui mange un cheval?" (Stalonne)
Merci à Stallone, Mogwai, Cec Tape et Jenah d'avoir partagé leurs histoires et à l'ensemble des arbitres du roller derby français pour leur travail.
L'équipe de Myrollerderby,