En cette période délicate de confinement, avec l’arrêt brusque de nos entraînements de roller derby, la fermeture de nos salles de sports et l’impossibilité de se rassembler collectivement pour un "off skate" est née aussi la peur de voir nos muscles fondre comme neige au soleil de printemps, notre agilité disparaître dans les replis du canapé et notre cardio dilué dans un énième « apéro visio »...!
Parce qu'un tel scénario n'est pas envisageable et parce que la communauté du roller derby a plus d'un tour dans son sac, des vidéos de tutoriels dédiés à notre sport abondent sur les réseaux depuis l'annonce officielle du gouvernement. De quoi donner du grain à moudre à ceux et celles qui veulent continuer à s’entraîner seuls à la maison et revenir sur le track plus en forme que jamais !
Alors on remercie chaleureusement les personnes qui se cachent derrière leurs caméras et qui redoublent d’inventivité pour nous offrir des recettes et des programmes sportifs, des exercices et des tutoriels, des challenges adaptés aux spécificités de notre discipline et qui nous tirent toujours plus haut et vers le meilleur de nous-mêmes. Parmi elles, se trouve Lizzie Rider, joueuse historique des Duchesse de Nantes Derby Girls et éducatrice sportive professionnelle, créatrice du centre sportif « infinite coaching » et qui depuis plusieurs années distille sa passion pour le fitness, la musculation et le coaching auprès des joueuses et des joueurs de roller derby.
Bonjour Lizzie, peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours sportif et de joueuse de roller derby?
"Bonjour ! Je m'appelle Lise-Marie, j’ai 33 ans. J’habitais en région Parisienne avant de déménager à Nantes pour mes études. C’est dans cette ville que l’on m’a fait découvrir le Roller Derby en allant à la rencontre de Katie, Présidente de l’association. J’ai tout de suite adhéré et cela fait maintenant 9 ans! Je joue avec l’équipe des Duchesses des Nantes Derby Girls. Le sport, c’était pas trop mon truc avant. J’ai fait du tennis longtemps (plus de 10 ans) et j’ai arrêté à mes 15 ans je crois. J’aimais bien, sauf le côté compétitif. J’ai fait d’autres sports : GRS, danse moderne… mais alors là, je ne savais vraiment pas quoi faire de ma peau! C’est avec le Roller Derby que j’ai repris une véritable activité sportive quelques années plus tard.
Après un an chez les Nantes Derby Girls, je suis partie quelques mois en Australie. J’ai continué de jouer chez les VRDL à Melbourne : c’était génial! J’ai pu suivre des super bootcamps avec Bonnie D.Stroir, Bonnie Thunder, OMG WTF. J’y ai vu mon premier match de roller derby : VRDL All Stars Vs Rat City ! Quand je suis revenue, j’ai fait mes premiers matchs (coucou les BMO!) et je suis restée NDG jusqu’à maintenant. J’ai fait parti du collectif Team France pour la WC 2014 à Dallas. Je n’étais pas dans le charter final. L’expérience des mois d’entraînements était énorme ! J’ai adoré, même si c’était difficile. J’ai retenté d’intégrer l’Équipe de France l’été dernier, j’ai réussi à rejoindre le groupe d’entraînement et je suis hyper contente :D Sauf que notre prochain stage est annulé :’( :’( :’("
Quel est ton parcours professionnel ? Comment et pourquoi es-tu devenue coache sportive ?
"Je suis venue à Nantes pour faire l’école des Beaux-Arts. Ça a duré 5 ans. Une fois diplômée, j’ai travaillé à mon compte en tant que photographe. C’est pas un métier évident, et comme je suis vraiment, mais vraiment nulle pour me vendre, c’était assez compliqué… et surtout, ce côté commercial commençait à empiéter sur le plaisir. Donc j’ai fait des petits boulots en parallèle. J’ai profité de 3 ans en tant que surveillante dans un lycée pour faire encore plus de roller derby…et de sport… Ayant moins de temps pour la photographie, j’ai progressivement changé de voie.
Puis, Fabrice, préparateur physique, a rejoint les NDG. C’est grâce à lui que j’ai sauté le pas. Il m’a convaincue de passer les tests pour entrer en formation. J’ai dû arrêter le roller derby une saison pour avoir ce diplôme d’éducatrice sportive… c’était il y a 4 ans ! Je savais qu’une fois formée, je pourrais aider des gens et participer un peu à faire grandir le roller derby nantais et pourquoi pas français. J’ai travaillé dans le club de Fitness où j’ai été stagiaire. En parallèle, j’ai débloqué quelques heures dans une association et monté mon auto-entreprise pour proposer du coaching individuel à domicile. C’est comme ça que j’ai créé Infinite Coaching. Il existe des méthodes à l’infini pour atteindre ses objectifs, puis dans « Infinite », il y a « Eight » (mon numéro de joueuse de roller derby haha). Je ne voyais pas mettre « Lise-Marie Coach »… en plus mon nom de famille c’est Gauch… Lise-Marie Gauch Coach… Nul !"
Étant donné ton travail, j'imagine que tu as un rôle particulier au sein de ta ligue au-delà de celui de joueuse ?
"J’ai repris la préparation physique des NDG depuis 3 ans. On fait comme on peut avec l’espace réduit qu’on a… pas vraiment de quoi sprinter. Alors j’essaie d’adapter du mieux possible. Quand reviennent les beaux jours, on est dehors, c’est plus simple. J’ai la chance que l’asso investisse tous les ans dans un peu de matériel et je les remercie pour ça : élastiques, bosu, poids, échelles, haies… c’est trop bien! Je planifie la saison et en fonction des résultats et retours, j’adapte les cycles d’entraînements. J’intègre pas mal de renforcement du haut du corps, des exercices unilatéraux pour minimiser les déséquilibres à force de tourner en rond, de l’agilité, renforcement des chevilles aussi. Il y a bien sûr des choses qu’on ne peut pas faire… comme travailler en force pure alors j’essaie de motiver les gens à aller en salle."
C’est quoi votre objectif global et d'équipe de préparation physique?
"La priorité c’est d’éviter les blessures. Notre objectif, c’est d’améliorer notre condition physique : le cardio bien sûr, pour rester lucide longtemps. Améliorer notre réactivité et vitesse de déplacement."
Et prends-tu également en charge l’entraînement individuel de certaines joueuses sur leur demande?
"Oui ! J’ai eu Major Storm la saison dernière qui a super bien progressé ! On n'a pas pu remettre ça cette saison… J’ai, depuis la saison dernière Cass’Burn et le retour d’Adrenalinss. Elles bossent ensemble, comme ce sont deux jammeuses c’est pratique pour les entraînements ! Je ne te cache pas que c’est aussi mon duo super kéké ! Je fais des programmes personnalisés pour les personnes qui veulent s’entraîner de leur côté. Dans la team, il y en a pas mal qui me demandent. Il y a même certains programmes qui sont partis vers Toulouse, Lyon… :)"
Comment adaptes-tu tes programmes aux spécificités de notre sport ?
"C’est dur de synthétiser ça ! En off-skate, comme dit un peu plus haut : entretenir son cardio (autant le foncier que le fractionné), la proprioception (tous les exercices sur 1 pied ou surface instable sont supers pour renforcer les chevilles et améliorer l’équilibre). L’agilité, la vitesse, l’explosivité… la réactivité aussi… Gros travail sur toute la sangle abdominale, hyper important pour être solide, protéger son dos, impacter et prendre les impacts. Tout est à travailler ! Pleins d’activités sont complémentaires : la natation, le vélo, la boxe, la musculation, le crossfit, cross training… Il y a de quoi faire !"
Et comment t'adaptes-tu aux spécificités individuelles, aux joueuses et aux joueurs en situation de handicaps physiques et/ou mentaux et/ou blessés?
"Je prends l’exemple de Cass’Burn que j’ai en coaching individuel. Saison difficile avec grosse entorse. Pour maintenir une certaine forme sans faire intervenir la cheville, on s’est concentrées sur le haut du corps. Pour tout ce qui concerne la rééducation, je laisse son Kiné gérer, chacun son métier ! Au fur et à mesure, on a pu solliciter la cheville un peu plus, en écoutant au maximum le corps. Les enjeux sont gros, pour elle c’est très important de pouvoir patiner, de ne pas se re-blesser, de s’entraîner avec son équipe et l’équipe de France… Face à des blessures ou handicaps, on adapte ! Je m’assure que la reprise soit validée par le médecin, le kiné et j’adapte. Ça me pousse à faire des recherches pour ne pas faire n’importe quoi et permettre à la personne d’avoir une reprise sereine."
Et quels sont les écueils à ne pas commettre quand on gère sa propre préparation physique un peu "à sa sauce" et sans aucune formation ? Faut-il faire attention aux vidéos amateures qui circulent sur les réseaux ?
"D’un côté, la prépa me semble prioritaire quand on débute en roller derby. On voit beaucoup de personnes se lancer dans ce sport sans avoir eu d’entretien physique avant. Ça aide à progresser mais surtout à limiter les blessures. À l’inverse, il faut veiller à ne pas trop en faire ! Se retrouver en surentraînement n’est pas bon : ni pour le corps, ni pour la tête ! Ça augmente les risques de blessures et c’est contre-performant. C’est important de faire des pauses ! N’oublions pas de nous étirer régulièrement non plus! Et oui bien sûr il faut toujours faire attention ! Même dans les vidéos que je propose où les mouvements ne sont pas toujours d’un niveau débutant. C’est pas le tout de regarder et vouloir faire. Il faut pouvoir le faire correctement. Ce n’est pas un problème de s’entraîner par soi-même si on a des connaissances, si on sait comment se placer, si on adapte à son niveau.
Concernant des programmes maison, je ne suis pas choquée par ce que je peux voir car tout dépend de ce qu’on cherche. Il existe tellement de méthodes et d’exercices que c’est difficile d’avoir la vérité absolue sur un programme. Aussi, nos corps ne réagissent pas tous de la même manière aux programmes ! Il faut tester pour voir et être patient. Parfois je m’arrache la tête quand je vois des vidéos de mouvements réalisés n’importe comment… et malheureusement, il n’y a pas que des amateurs qui publient des vidéos où la technique laisse à désirer."
Quelles sont les qualités requises pour être une bonne coache sportive selon toi ?
"Se former, tout le temps, même après le diplôme. Se mettre à jour sur les méthodes d’entraînements, s’entraîner aussi, se remettre en question, échanger avec les autres coachs… Tester ce qu’on fait faire aux gens! Et rester soi-même surtout."
C’est quoi ton grand plaisir quand tu coaches et à l'inverse quelles sont les principales difficultés que tu rencontres, la partie moins marrante de ton travail ?
"C’est de voir les gens se dépasser, progresser, comprendre qu’ils sont capables de bien plus qu’ils ne le pensent, réussir à atteindre leurs objectifs, voir que le sport, ça leur fait du bien ! Et là, tu vois les sourires et tu comprends pourquoi tu fais ce métier!
Le moins fun c’est les déplacements. J’ai choisi de compléter mon planning par du coaching à domicile donc je perds pas mal de temps et dois utiliser la voiture pour transporter mon matériel. Les horaires ne sont pas toujours fun non plus ! Les coachs sont dispos quand les gens ne travaillent pas : tôt le matin, tard le soir ! La gestion de la fatigue n’est pas simple. C’est comme ça que j’ai découvert mon super pouvoir : je peux faire une sieste en deux temps trois mouvements !"
Comment te renouvelles-tu dans tes programmes, ou puises-tu ta créativité ?
"Il y a quelques coachs que je suis sur les réseaux sociaux. Spécialisés dans le roller derby, le hockey, football américain. Ce sont des sources inépuisables ! Ensuite, je teste et je vois comment appliquer certains mouvements aux méthodes que je choisis. J’analyse nos mouvements dans le roller derby pour en reproduire certains en off-skate, avec des contraintes, pour les intégrer dans les séances de musculation."
Et ton entrainement personnel dans tout ça ? Comment conjugues-tu les deux, être à la fois coach et s’entraîner soi-même et quelle est la place du sport et du fitness dans ton quotidien à toi ?
"Une place énorme, du lundi au dimanche ! J’ai, en moyenne, entre 13h et 15h de cours collectifs par semaine (Pilates, Cardio, Muscu…), 10h à 15h de coaching individuel par semaine aussi (sans compter les déplacements). Je peux me rendre à un entraînement de derby en semaine, parfois deux avec le samedi. Cela représente entre 1h30 et 4h. Ensuite, je dois réussir à caler mes propres entraînements : entre 2h et 4h. C’est chaud! MAIS, deux associations dans lesquelles je travaille sont fermées pendant les vacances scolaires / universitaires, ça me fait des coupures.
Donc là, se retrouver en confinement, ça fait bizarre !"
Justement parlons-en, dans ce contexte très particulier, avec la crise sanitaire et notre confinement, quel sont tes conseils pour rester en forme et continuer à travailler son physique en espace restreint ?
"C’est le bon moment pour se focaliser sur ses point faibles : est-ce que c’est la souplesse, l’endurance musculaire, l’équilibre, le mental…? C’est l’occasion pour s’étirer davantage, découvrir les mountain climber ou les burpees si vous n’aviez pas encore essayé ! En espace restreint, on peut quand même maintenir un minimum son endurance musculaire et cardio. Un petit peu d’activité tous les jours (20 - 30 min), ça fera du bien au moral !
Mais faire une pause c’est aussi bien. Il ne faut pas culpabiliser parce qu’on n’a pas fait une préparation intensive pendant cette période de confinement. Au contraire! Le roller derby prend tellement de place dans nos vies! Calmer la cadence, en profiter pour récupérer permettra de mieux revenir sur le track et, pour certain.e.s avec un plaisir peut-être un peu perdu."
Et à titre d’exemple, à quoi va ressembler ton entraînement personnel ces prochaines semaines, quels sont tes objectifs personnels?
"J’ai la chance d’avoir pas mal de matériel à disposition chez moi, plus ou moins encombrant. Je vais pouvoir faire de la musculation avec des charges libres, légères et continuer de bosser mon cardio sous forme de cross-training. J’en profite pour faire davantage d’auto-massage aussi ! J’ai un dos un peu tout pourri ! Alors je bosse pour le garder musclé. Je n’ai pas de défis sportifs en particulier, si ce n’est des trucs un peu kékés comme faire du gainage entre deux swissball haha ! Mon défi perso, c’est d’être en forme pour mes élèves, mon métier, rester dans le collectif de l’EDF et être sélectionnée pour des matchs."
Des objectifs professionnels?
"Continuer à me former pour apporter le meilleur à mes élèves. La prochaine formation, si tout va bien, sera en mai : Pilates sur tapis Niv 2! A moyen terme, j’aimerais pouvoir rassembler mes coachings individuels au même endroit pour limiter mes déplacements et pouvoir utiliser davantage de matériel. A long terme, avoir mon espace ou gérer mon espace… À voir !"
Où peut-on te retrouver?
"Mon site internet est en construction, en attendant, vous pouvez vous rendre sur ma page Facebook : Infinite coaching ou sur Instagram : Infinite_Coaching."
Merci Lizzie !